Lettre à Paul

Lettre de Nathalie à Paul pour son départ

Paul,
Je ne saurais dire exactement depuis combien de temps nous nous connaissons mais au moins 12 ans.
Grâce à l’association Oxalis, Claude est venu participer au fournil à un atelier participatif : il n’imaginait pas jusqu’à ce jour qu’on pouvait faire du pain décoratif avec du sable !!
Depuis ce jour, nous avons certes découvert ce qu’était réellement le pain, mais avons surtout eu l’opportunité de te croiser, toi, Paul Rochet.
Tu ne façonnes pas du pain, tu le fais vivre !! J’ai beau être fille de paysan, j’ai découvert à tes côtés qu’il y a farine et farine, céréale et céréale. J’ai découvert les différentes façons de moudre la farine et leurs avantages pour préserver la qualité gustative et nutritive d’un grain de blé avec son amande, son germe et son enveloppe. Que le levain n’est pas un simple agent levant mais un ensemble de ferments qui viennent s’ajouter à la qualité gustative et nutritive de ton pain. Que grâce à cela on pourrait nourrir le monde et plus simplement qu’avec 2 tranches de ton pain le matin, je n’ai pas de fringale dans la matinée.
Sur la façade du fournil tu as écrit la fameuse citation « on n’hérite pas de la terre de nos parents, on l’emprunte à nos enfants ». Avec toi ce n’est pas qu’une citation c’est un art de vivre. Quel plaisir de passer au fournil quand tu tries tes graines et que tu racontes l’histoire de chacune, celles que tu as pu faire pousser et ses propriétés. Tu as réussi à créer une filière de blé locale afin que nos paysans puissent vivre dignement de leur travail la tête haute, en nourrissant la population locale tout en préservant les ressources de notre terre mère.
Tu communiques ta passion et ta vision partout où le vent te porte à travers le monde où tu vas installer des fours et où tu inventes des recettes avec les populations locales pour qu’elles soient autonomes et puissent faire leur pain avec leurs ressources. Mais aussi plus localement où ton « four remorque » t’accompagne dans diverses manifestations et même dernièrement dans des écoles pour éduquer nos jeunes. Ton passage dans celle de Pringy n’est pas passé inaperçu et Maël a tellement parlé de toi que la maîtresse l’a surnommé « le fan de Paul » : il faut dire que depuis sa naissance il associe le pain à « Paul ».
Quand je travaillais dans l’Albanais, quel plaisir de m’arrêter au fournil pour y être accueillie par la chaleur du four et la tienne : toujours un sourire, toujours quelque chose à partager une histoire, une pensée, un morceau de pain. Quel plaisir avaient les enfants quand je leur rapportais le pain « mélangé » que tu faisais avec les restes de pâte, ou les petites brioches. Tu faisais même un pain de « doigts » pour qu’il y ait le plus de « quignons » possible quand les garçons faisaient leurs dents.
Et puis un jour tu m’as informée qu’une amap se créait sur Annecy : Novel Amap il y a 11 ans. Depuis le début tu as toujours été présent sans failles, à offrir ton pain à tous. Depuis, mes enfants savent que derrière chaque produit que je rapporte le mercredi soir à la maison il y a quelqu’un et que ce n’est pas un produit anonyme pris dans un rayon.
Il est maintenant l’heure de tourner une grande page. Merci, merci pour tout.
Nous ne manquerons pas de nous arrêter allée de la chanson dès que le vent nous y portera.
Nathalie

Un meunier boulanger et son four à bois, vidéo de 22 min 52 s
Démarrer un levain, vidéo de 18 min 50 s.